Chronique : Moi et François Mitterrand

Moi et François Mitterrand au Théâtre La Pépinière

 

Hervé Le Tellier, membre de l’Oulipo et pilier de l’émission de France Culture,  » Des papous dans la tête », est l’auteur de cette correspondance fictive qui commença en 1983 entre Hervé et François Mitterand puis se prolongera avec Jacques, Nicolas et puis François.

Trois décennies plus tard, Hervé fait l’exposé de cette relation assidue et secrète. La pièce, en effet, s’ouvre comme une conférence dans un bureau quasi présidentiel. L’on découvre la photo officielle de François Mitterand, sur le mur du fond.

 

Une langue jubilatoire

« Je n’en fais pas une affaire d’Etat et n’en tire aucune gloire personnelle mais à partir de 1983, François Mitterand et moi, avons entretenu une correspondanceassidue  » se félicite Hervé. Ce dernier écrit au président comme on écrirait à un ami. Pour partager son chagrin d’amour avec Madeleine, la disparition de Tchoupette, sa chatte ( qu’il soupçonne d’avoir été enlevée ). Mais aussi son chômage entrecoupé de divers CDD, dans une langue dont la précision est totalement jubilatoire.

François répond avec toujours la même lettre formatée c’est à dire une lettre type que quiconque peut recevoir quand il écrit à l’Elysée. Celles-ci sont précieusement archivées et montrées au spectateur grâce à un rétroprojecteur.

 

Une prosodie presque classique

Hervé y décèle pourtant le style inimitable de François Mitterand, tout en « pudeur » et en « affection ». Plus tard, quand il écrira à Jacques, Nicolas puis François, il ne retrouvera pas ce style si particulier à François Mitterand, dans les mêmes lettres formatées. Alors que superposent des lettres identiques, il ne retrouvera pas  » le balancement alterné de la phrase, la prosodie presque classique » de l’écriture mitterrandienne.

 

Le sel de la pièce

Tout l’intérêt de cette pièce réside dans un contraste. D’une part la triste banalité d’une lettre type ( qui dévoile, du même coup les faux-semblants d’une caste politique, courtoisement condescendante)  et d’autre part, la chaleur et l’enthousiasme de l’expéditeur, persuadé de nouer une amitié sincère avec le président.

 

Le manège politique

Le spectateur voit ainsi défiler, à travers cette correspondance fictive, toute l’histoire politique depuis 1983 . Avec candeur et humour, Olivier Broche s’étonne des écoutes téléphoniques pratiquées par son ami François et destinées à protéger sa famille secrète.  Il s’offusque du laisser-aller dans le langage d’un Nicolas capable de dire  » Casse-toi pauvre con !  » . Le tout chorégraphié avec la valse des portraits officiels des différents présidents qui perdent, au fur et à mesure, ce côté hiératique,  pour se terminer par le portrait de travers de, vous l’aurez deviné.

« C’est la correspondance d’un homme seul, qui a une foi absolue dans la République. Cette sincérité le rend éminemment sympathique et contraste avec l’hypocrisie de la vie politique » explique l’auteur Hervé Le Tellier.

 

On rit donc du début à la fin. L’interprétation d’Olivier Broche est remarquable. Elles est soutenue par une mise en scène efficace. Le texte cocasse narre avec succès la folie douce d’un Don Quichotte moderne. Personnage qui, comme bon nombre de Français, aimeraient dire à ces hommes politiques qui les dirigent, combien ils les désapprouvent ou peut-être, combien ils les comprennent parfois.

 

MOI et François MITTERRAND au Théâtre La Pépinière 

De Hervé Le Tellier, mise en scène Benjamin Guillard avec Olivier Broche