Chronique: Cendrillon 31 mai 2017 in Les chroniques de Tata Nicole Cendrillon, d’après Perrault et les frères Grimm, mis en scène par Joël Pommerat Pommerat s’était déjà attaqué au Petit Chaperon rouge , ( récemment repris d’ailleurs aux Bouffes du Nord ) , au Petit Poucet . Cette fois, il reprend Cendrillon créée en 2011, à partir des versions de Perrault et des frères Grimm. Une narratrice qui dit n’être qu’ « une voix », tant elle a vécu de choses, raconte l’histoire de Cendrillon qu’elle appelle » la très jeune fille » tandis qu’un acteur traduit dans une langue des signes ce qui est énoncé. Un conte revisité Sandra, puisque tel est le vrai prénom du personnage, vient de perdre sa mère mais elle n’a pas pu vraiment saisir les derniers mots qu’elle lui a murmurés en mourant. Elle croit cependant qu’elle lui a demandé de penser constamment à elle, pour la maintenir dans le monde des vivants. Sandra s’est fait offrir une montre énorme qui sonne à intervalles réguliers pour lui rappeler l’impossible mission. Son pleutre de père s’est remarié à une marâtre brailleuse, frappée de jeunisme et affublée de deux bécasses de filles aussi prétentieuses que stupides. La marraine de Sandra est une drôle de fée qui n’est pas tout à fait au point dans ses tours de magie mais qui surtout, est complètement déjantée. Elle parviendra quand même à la faire aller au bal du roi où se précipitent également la marâtre et ses filles. Sandra, appelée aussi cendrier par ses « soeurs » y rencontrera le jeune prince, bouleversé comme elle, par l’absence de sa mère. Le prince offre à Sandra, en gage d’amitié, sa propre chaussure. Ainsi, Joël Pommerat s’amuse-t-il avec des variantes ironiques de ce conte, avec des clins d’oeil. Entre l’émerveillement et l’épouvante C’est en effet dans une maison de verre, aux parois translucides où viennent s’écraser les oiseaux que le conte est transposé. Sandra, Cendrier, est reléguée à la cave par sa belle-mère, acceptant, voire demandant, d’accomplir les tâches les plus ingrates, par mépris de soi ou par culpabilité. Elle n’a pas pu empêcher sa mère de mourir. Elle trace ainsi, au fil du conte, le chemin initiatique d’une enfant qui, peu à peu, va apprendre à surmonter la mort de la mère, la culpabilité qu’elle en ressent. Peu à peu, elle parvient à retrouver le désir de vivre, le désir d’aimer et la possibilité de se reconnaître dans l’autre quand elle rencontrera le jeune prince, obsédé par la disparition de sa mère. Des acteurs bouleversants, magnifiés par la mise en scène, dans des lumières oniriques Des comédiens bouleversants capables de nous faire rire ou frissonner. Cendrillon, interprétée par l’admirable Deborah Rouach nous fait comprendre toutes les questions essentielles de l’enfance. Mélange de naïveté, réalisme, d’ironie mordante, de tragique. Tous les comédiens ici, nous conduisent vers des territoires plus ou moins inquiétants, grâce à leurs corps, aux timbres si différents de leurs voix . Tout se déroule dans une semi pénombre inquiétante, donnant l’impression que l’on s’incruste dans les fantasmes. C’est un spectacle que l’on vit autant qu’on le regarde. Une expérience intense et troublante . Un extraordinaire moment de théâtre qu’il faut absolument découvrir. Attention, c’est un conte mais un conte pour les parents. Cendrillon, d’après Perrault et les frères Grimm, mis en scène par Joël Pommerat, jusqu’au 6/08 au Théâtre de la Porte Saint-Martin