Chronique : Le Cas Sneijder au Théâtre de l’Atelier 14 mars 2017 in Les chroniques de Tata Nicole Le 4 janvier 2011, à 13 H 12, un ascenseur s’écrase dans un immeuble à Montréal. Paul Sneijder sera le seul survivant, sa fille aînée Marie et 3 autres personnes périront dans l’accident. Lorsque Paul reprend conscience, après 20 jours de coma, tout a changé pour lui, il va se détacher complètement du monde matérialiste qui l’entoure. Il s’extrait des contraintes de l’action et s’efforce de comprendre « l’origine du malheur ». Les murs de l’appartement de Paul sont un tableau noir sur lequel il dessine les croquis de cet ascenseur qui a bouleversé sa vie. Une société de la verticalité Il se met à y voir une métaphore de notre humaine condition contemporaine. Nous vivons dans une société de la verticalité et l’ascenseur n’est, en fait, que la représentation de notre système verrouillé. Ce sont les mêmes rouages qui font mouvoir l’ascenseur et notre monde puisque tous deux sont voués à la performance.Nous sommes tous voués à la verticalité que symbolise l’ascenseur et à l’aberration effarante de l’accident. « Sans ascenseur, il n’y a plus d’ordre, de hiérarchie » dit l’avocat de la Compagnie. Sa fille Marie et lui-même étaient des surcharges. Paul l’a bien compris et cherche à échapper à cette société verticale. Pierre Arditi est bouleversant dans le rôle de Paul qui va de renoncement en renoncement. La scénographie nous permet d’entrer dans l’espace mental de Paul avec ses interrogations, ses doutes mais aussi de voir s’immiscer des bribes du monde extérieur. Sa deuxième femme, icône de la société de consommation et les jumeaux qu’il a eus avec cette dernière, eux aussi purs produits du système, lui révèlent un univers domestique sans chaleur. Voire, une véritable atteinte aux vraies valeurs. On n’échappe pas au système C’est la voix off de Pierre Arditi qui commente et élucide la descente aux enfers de Paul, sa propre chute. Il tentera de retrouver une vérité primitive en se rapprochant du règne animal et en devenant dogwalker, au grand dam de sa famille. On ne peut pas sortir ainsi des rails de la normalité. En refusant de demander des dédommagements à la compagnie des ascenseurs, il s’exclut définitivement puisque sa famille décide de le placer en psychiatrie. Un comédien magistral Certes, ce spectacle est assez ténébreux mais il y a aussi des moments où le rire domine. L’interprétation de Pierre Arditi est magistrale. Tout en intériorité, il nous fait partager la lutte de cet être blessé qui parvient de manière fugace, à s’échapper dans le rêve, avant que tout lui soit arraché. Une mention spéciale et personnelle pour le magnifique chien, Charlie qui accompagne Paul pendant ce voyage où il déserte de la vie. LE CAS SNEIJDER , Théâtre de l’Atelier, jusqu’au 22 avril. D’après un roman de de Jean-Paul Dubois, adaptation et mise en scène de Didier Bezace.